samedi 5 décembre 2009

Couronne d'épine, corail et eutrophisation

Vous avez tous vu ou entendu parler de la grande barrière de corail. Vous savez aussi sûrement que la plus grande structure vivante du monde est en crise, notamment à cause du changement climatique et du blanchissement qu'il induit. Hé bien ce n'est pas son seul problème. Un nouveau, et pas des moindres, phénomène fait de plus en plus parler de lui depuis sa découverte dans les années 60.
En effet, devant les regards inquiets des nombreux touristes, qui déjà se pressaient pour admirer ce refuge de la biodiversité, un étrange envahisseur faisait son apparition : La couronne d'épine, (Crown of Thorns Starfish) une étoile de mer à l'apparence peu commode pouvant posséder de 7 à 23 bras et couvertes d'épines venimeuses.

La bête en question : elles peuvent avoir diverses couleurs et sont en fait, assez jolies

Malheureusement pour les coraux, cette étoile de mer a fait d'eux son unique source de nourriture. Pour s'en nourrir, elle s'enroule autour du corail et "crache" son estomac qui dissout, à l'aide des sucs gastriques, les polypes (petits animaux bâtisseurs de coraux), laissant derrière elle, des "cicatrices blanches". La couronne d'épines est caractérisée par un mode de vie cyclique. Elle fait ce que l'on appelle des "outbreaks" (c'est à dire une prolifération très importante), puis décline à cause de diverses maladies et par l'épuisement de son environnement. Le temps qui sépare deux outbreaks est une véritable accalmie pour le corail qui en profite pour se reconstruire.

Jeune couronne d'épines (Acanthaster planci) dévorant un corail : notez la différence de couleur entre le blanc (mort) et le jaune-vert (vivant)

Et c'est précisément là que se situe le problème. Les outbreaks de la couronne d'épines semblent de plus en plus fréquents et les cycles se superposent, ne laissant plus le temps suffisant aux coraux pour se remettre (15 ans pour les espèces les plus rapides). Aujourd'hui, un seul récif peut contenir jusqu'à 4 millions d'individus, et des centaines d'étoiles ont été observées sur des zones d'à peine 10 m². Et pour nous rassurer, une femelle est capable de produire quelques 50 millions d'oeufs en un an. C'est l'espèce invasive par excellence.
Ceci menace donc l'intégrité de la grande barrière de corail, et de tous les autres coraux tropicaux du monde, qui ont des rôles extrêmement divers allant de nurserie à petits poissons, à barrière naturelle contre l'érosion des côtes. Et pis, bien évidemment, ça menace le tourisme.

Plusieurs étoiles de mer sur un même récif

Que se passe-t-il donc? Qu'est ce qui provoque cet emballement des cycles de cet envahisseur? Il semblerait que, comme d'hab', ce soit de notre faute. Une des premières hypothèses émises fut celle du Docteur Robert Endean, mettant en cause la surpêche des prédateurs naturels de l'étoile de mer. En effet, relâcher la pression naturelle (prédation) qui s'exerce sur la population d'étoiles de mer, provoquerait une explosion de leur population. Cependant, bien que cette hypothèse ne soit pas mise de côté, il semblerait qu'elle ne soit guère suffisante pour expliquer l'intensité du problème.

Un Triton se faisant un petit gueuleton de la couronne d'épines

Une autre hypothèse fut émise par le scientifique John Lucas (University of Queensland) : celle de l'enrichissement du milieu.

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Petite parenthèse historique : Dans les années 20 et 30, l'agriculture fait un boom en Australie, on déboise à tour de bras les forêts pour les remplacer par des champs de canne à sucre, bananiers, et terrains pour les troupeaux. Depuis, les terres sont constamment fertilisées pour augmenter les productions. Avec quoi fertilisons nous les terres? Avec de l'azote et du phosphore, qui sont les nutriments essentiels à la croissance des plantes. Où vont ces nutriments? Dans les plantes, mais aussi dans les eaux, eaux qui se déversent dans les rivières, puis dans les mers et océans. Et ces déversements en nutriments sont tellement importants qu'on peut les voir du ciel. C'est ce qu'on appelle l'enrichissement du milieu.
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Et cet enrichissement provoque un phénomène dont on entend régulièrement parler : l'eutrophisation. C'est un phénomène décrit par la pullulation de plantes ou de phytoplanctons (bloom). Là vous vous demandez pourquoi je cause de ça alors que je parlais d'étoile de mer. Ben le lien est tout simple : les larves de l'étoile de mer sont des toutes petites choses qui flottent dans les eaux et se nourrissent de devinez quoi : de phytoplancton.

Diverses espèces de phytoplancton

A l'origine, les eaux autour de la grande barrière de corail sont un véritable désert marin. Elles sont extrêmement pauvres en plancton, ce qui en fait des milieux difficiles pour les bébés étoiles de mer qui meurent de faim à un taux proche de 99% (la première année) dans les conditions normales. Or nous, avec nos nutriments déversés par millions de tonnes, on crée de véritables nurseries à étoiles de mer, dont le taux de survie et la rapidité de développement se trouvent augmentés de façon tout à fait significatives. Les cycles s'accélèrent, leur nombre augmente, et patatra. Aujourd'hui, les preuves confirmant cette hypothèse sont pléthores et expliquent de façon très claire les outbreaks et leur intensité.

C'est une démonstration tout à fait impressionnante et lourde de conséquences de nos méthodes agricoles agressives et du peu d'intérêt que nous portons à nos déchets.
Pour une fois que l'on voit à travers la surface, les gens seront peut-être plus prompts à réagir, mais il faut savoir que les problèmes dûs à l'enrichissement du milieu côtier sont plus nombreux que ce dont on veut bien nous parler. Par exemple, en ce moment, je travaille sur un projet sur les phytoplanctons toxiques, responsables tous les ans d'intoxications alimentaires dues à l'empoisonnement des coquillages et poissons. Devinez quel est l'un des facteurs de leur présence et récurrence ? Bingo : l'eutrophisation. De même, regardez les plages couvertes d'algues vertes : même problème.
En bref : la mer et les océans ne sont pas des dépotoirs, et il faut se rappeler qu'ils représentent un régulateur naturel qui rythme nos vies de tous les jours. Il serait temps d'y faire un peu plus attention !
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Références :

Jon Brodie, Katharina Fabricius, Glenn De'ath, Ken Okaji. Are increased nutrient inputs responsible for more outbreaks of crown-of-thorns starfish? An appraisal of the evidence. Marine Pollution Bulletin, 51 (2005) 266-278.

Katharina Fabricius. Effects of terrestrial runoff on the ecology of corals and coral reefs: review and synthesis. Marine Pollution Bulletin, 50 (2005) 125-146.

Discovery Chanel : Crown of Thorns Starfish Monsters From The Shallows (2004)

lundi 26 octobre 2009

Weeds and drugs.

Je veux bien sûr parler des plantes utilisées par certains animaux dans un but d'auto-médication. En effet, loin d'être les seules bestioles à s'offrir quelques décoctions et tisanes afin d'améliorer notre résistance à la maladie ou aux infections, certains animaux semblent eux aussi utiliser les propriétés naturellement antiseptiques et/ou antifongiques de certaines plantes.

Fourmilière de Formica paralugubris

C'est par exemple le cas d'une fourmi, communément appelée Fourmi des bois (Formica paralugubris). Cette espèce a été observée en train de ramener de la résine de conifère dans leurs nids, sans pour autant que celle-ci n'ait une quelconque valeur nutritive. Les chercheurs se sont alors questionnés sur ce comportement étrange, notant que les quantités entreposées dans les nids peuvent être considérables : jusqu'à 20kg dans les grandes fourmilières. Autre donnée, cette résine est préférentiellement appliquée sur la surface du nid et dans les pouponnières où sont élevées les larves.

Formica paralugubris

Connaissant la fonction antiseptique de la résine pour les conifères, qui la sécrètent pour panser et protéger les blessures contre les infections bactériennes et/ou parasitaires, les chercheurs se sont demandés si ces fourmis ne l'employaient pas pour un usage similaire.
Il est vrai que les espèces sociales, comme les fourmis, sont particulièrement sujettes aux infections bactériennes et à la transmission de parasites. La promiscuité des individus étant un agent facilitateur de contamination. De plus, les fourmis vivent dans des terriers aux conditions généralement humides et chaudes, Éden pour tout pathogène qui se respecte.

Des expériences ont alors été menées sur des fourmis adultes et au stade larvaire, dans 4 conditions bien distinctes :
1-Le premier test est un test de contrôle, où les individus ne sont pas mis en contact ni de pathogène, ni de résine.
2-Les fourmis sont uniquement mises en contact avec de la résine, afin de voir si elle a un effet quelconque à elle seule (bénéfique ou toxique)
3-On met les fourmis avec l'élément pathogène seulement
4-On met les fourmis avec l'élément pathogène ET de la résine.

Dans ces 4 expériences, la survie des individus est mesurée au cours du temps et voici quelques résultats :

Les petites étoiles indiquent les différences significatives entre deux résultats, indiquant un Pvalue<0.05

Ici l'expérience est conduite avec un agent bactérien commun et connu pour être un élément dangereux pour cette espèce de fourmi appelé Pseudomonas. Comme l'indiquent les courbes, la bactérie engendre un fort déclin dans la survie des fourmis, cependant, lorsque l'on rajoute de la résine, alors le taux de survie remonte de façon significative.

La même expérience a été menée sur des larves de fourmis, avec deux éléments : Pseudomonas, et un champignon parasite : Metarhizium anisopliae.


Comme observé pour les fourmis adultes, l'emploi de résine restaure de façon très significative la survie des individus. Ceci est l'une des toutes premières preuves expérimentales de l'utilisation de plante pour des raisons médicales dans le monde animal.
Ainsi, cette très belle expérience nous démontre que les espèces sociales, souffrant particulièrement du parasitisme et des agents infectieux, sont capables de développer des parades intéressantes, que ce soit l'épouillage, la gestion des déchets, ou l'utilisation de plante aux vertues antiseptiques.

D'autres exemples sont connus à travers le monde animal, notamment chez l'étourneau sansonnet, dont le mâle apporte au nid diverses plantes aux composants volatiles et antiseptiques, qui semblent renforcer la résistance des poussins contre les parasites et réduire l'envahissement du nid par les bactéries.

Etourneau Sansonnet

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Sources :

Michel Chapuisat, Anne Oppliger, Pasqualina Magliano, and Philippe Christe, Wood ants use resin to protect themselves against pathogens, Proc R Soc B 2007 274: 2013-2017.

Helga Gwinner and Silke Berger, European starlings: nestling condition, parasites and green nest material during the breeding season, Journal of Ornithology 2005 365-371

mardi 20 octobre 2009

Wikipédia

Bonjour les amis,

Le blog est fort inactif ces derniers temps et pour cause : le master prend beaucoup de place dans mon emploi du temps, et nos profs, forts inventifs nous font faire des travaux gourmands en heures. Mais les deux ne sont pas incompatibles, j'ai donc le plaisir de vous donner un lien vers un des travaux que nous devions accomplir dans le cadre d'une UE d'écologie évolutive : une modification/amélioration de l'article Wikipédia sur la compétition spermatique.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Comp%C3%A9tition_spermatique

Cette version est celle que moi et deux camarades avons écrite. Elle contient encore probablement des coquilles en attendant la version finale de ce soir.

Donc voilà, si vous êtes intéressés par l'article que j'ai fait précédemment "fierté masculine" et que vous voulez en savoir plus, Wiki est votre ami !

samedi 26 septembre 2009

Fierté masculine

L'accouplement. Certainement l'évènement le plus important dans la vie d'un organisme. La raison même de son existence. Afin de réussir ce noble but, les êtres vivants nous offrent, comme à leurs habitudes, un panel de stratégies plus farfelues les unes que les autres. En voici quelques petits exemples que j'ai trouvés au détour d'un papier sur la compétition spermatique. (Ludovic Arnaud, 1999).

Les mâles, en particulier chez les insectes, ont un grand problème dans la vie : faire des bébés. Les femelles étant très généralement polyandres (c'est à dire qu'elles s'accouplent avec plusieurs mâles), la garantie de paternité est très loin d'être assurée. Alors ces derniers redoublent d'idées pour changer tout ça. Par exemple, Necroscia sparaxes (espèce de phasme) prolonge l'accouplement de façon indécente : 79 jours. Ainsi il empêche sa dulcinée d'aller voir ailleurs. Paternité garantie.

Photo d'une espèce cousine de Necrosia sparaxes (pas de photos dispo). Une stratégie reproductrice qui en bouche un coin ! (pardon pour cette blague hautement graveleuse)

D'autres, comme Scatophaga stercoraria (mouche dont le nom devrait vous faire deviner son identité), rencontrent leurs partenaires sur des bouses, et dès qu'ils commencent l'accouplement s'envolent avec elles loin des autres mâles. La densité de concurrents diminuant, le mâle augmente ses chances de réussite.

Deux Scatophaga stercoraria vacant à leurs occupations. (Photographie prise par le généreux et sympatique site : http://aramel.free.fr)

Un autre exemple est celui du chantage : le mâle Abedus herbeti accepte de s'occuper des oeufs, de les porter, et d'ainsi mettre sa vie en danger à l'unique condition que la femelle ne se reproduise qu'avec lui.

Et des stratégies comme ça, il en existe bien d'autres, mais une a vraiment retenu mon intention par son côté bigrement cocasse. Chez l'espèce Cotesia rubecula, la femelle ne reste réceptive que quelque temps après l'accouplement. Donc le mâle doit s'assurer que celle ci ne sera pas approchée pendant ce court laps de temps. Non, il ne va pas au front et affronte les autres mâles, non il ne planque pas la femelle, non, rien de tout cela. Il fait tout simplement ressortir son côté féminin. Il se met dans une posture hautement attirante pour les mâles avoisinants et les aguiche comme le ferait une femelle. Ainsi, les concurrents, subjugués en oublient la femelle dont la réceptivité ne fait que diminuer jusqu'à disparaître. Bingo, même si sa fierté masculine en prend un coup, le succès est total : il s'est reproduit, et s'est assuré de la paternité.

Cotesia rubecula

En bref, quand vous aurez du temps et envie de vous marrer un peu, lisez ce papier (cité en intro). Je précise tout de même que toutes les réflexions anthropocentrées que je fais sont purement pour le style ;).

dimanche 2 août 2009

La guerre du parfum

Dans la nature, certaines espèces n'usent pas d'armes dangereuses pour se battre. Le coût des blessures étant trop lourd et bien inutile, des petites abeilles solitaires d'Amérique centrale et du sud ont décidé de se battre à coup de...parfum.
Les mâles de cette espèce, lors de la saison des amours, offrent du parfum aux demoiselles de leur choix, et pas n'importe quel parfum ! Ils offrent de l'essence d'orchidée qu'ils se sont décarcassés à fabriquer eux-mêmes avec leurs petites pattes musclées.

Orchidée d'Amérique du sud

Selon une méthode ancestrale que nous humains, avons également utilisée, les mâles étalent sur les substances odorantes des fleurs une pâte grasse qui absorbe les molécules de parfum (méthode de l'enfleurage). Le tout est collecté dans des petites poches spéciales sur les pattes arrière, donnant au final "un bouquet riche et sexy" de molécules selon les mots de l'écologue Thomas Eltz de l'université de Düsseldorf. Cette collecte prend un temps important de la vie des mâles Euglossines, et pour cause. L'effluve qu'ils émettent sert à la fois à prévenir les femelles de leur présence et prévient de la qualité du mâle qui la porte. En effet plus le bouquet est riche, plus le mâle est "fort" (= sexy dans les yeux d'une abeille femelle).
Mais pas seulement, lorsque deux mâles convoitent le même espace ou la même femelle, une joute se met en place. Un vol rituel embaumé de parfum. Chaque mâle étale son parfum sur ses ailes avant le combat, s'assurant ainsi que son emprunte aromatique sera correctement diffusée. Chacun des protagonistes estimera la richesse du bouquet de son adversaire, et le plus ettofé remportera la victoire. Pas d'émission d'hémolymphe dans cette histoire !

Mâle Euglossine

Mais au fait, pourquoi le parfum? He bien il semblerait que ces petites abeilles soient dépourvues de phéromones, vous savez, ces hormones volatiles qui servent de moyen de communication chez de nombreuses espèces. Or il a été découvert que chaque espèce d'euglossine possède des substances spécifiques dans leur parfum. En bref, chaque espèce fait son mélange qui serait utilisé exactement comme des phéromones !

Mâle Euglossine

Moi personnellement ça me rappelle un peu une autre grosse bestiole : nous. avec notre cerveau dédié à la cognition, les phéromones que nous émettons n'ont presque aucun effet sur nos comportements. Alors nous aussi nous avons imaginé 36 moyens pour les remplacer (rappellez vous les pubs Axe par exemple :). Si nous pouvions pousser la comparaison au maximum et nous battre à coup de pshit de parfum, ça serait vraiment top !

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Source : L'excellent Hors Serie du courrier international juin-juillet-aout 2009 "Pas bêtes !"

jeudi 30 juillet 2009

Villefort 2009 forever...

Et voilà...C'est terminé...Un mois et demi d'aventures, d'écologie de terrain pur et dur. Un mois et demi de travail H24 7j/7. Un mois et demi intense de vie partagée entre chercheurs et stagiaires. Comment trouver les mots pour raconter une expérience si unique, si formidable dans la vie d'une jeune étudiante de 20 ans. Rude serait l'adjectif pour décrire la vie là bas, de l'à peu près en permanence, des horaires intenables et pourtant tenus avec fierté. Une expérience humaine...Inoubliable. De la passion pour l'écologie est née une amitié inespérée entre nous, d'une incroyable solidité. Entre les chercheurs et nous, de la proximité est né un respect d'autant plus grand que nous étions proches.

Photographie d'un mâle lézard vivipare que je tiens dans mes mains

Des paysages de rêve, des journées intenses de chasse au lézard vivipare, des heures dans un laboratoire niché dans un petit village de la Lozère : Villefort. Veiller sur un élevage de x lézards rend légèrement obsessionnel, E34 qui ne voulait jamais manger sa teigne, H36 qui montait toujours sur son abri pour profiter de la chaleur de la lampe, I51, une lézarde enceinte jusqu'au cou dont j'attendais l'accouchement avec impatience et inquiétude. Je les connaissais toutes, chacune avec leurs habitudes, et quel bonheur quand les lézardeaux naissaient. Petits et frêles, tout juste sortis de leurs membranes, mais déjà prêts à conquérir leur monde. Des heures à veiller sur eux, pour 1 minute à les voir partir lors des lâchers.

Photographie d'une femelle lézard vivipare encore enceinte lors d'un lâcher

Un juvénile, quelques secondes après le lâcher

Jamais je n'oublierai ces chercheurs exceptionnels qui furent avec nous d'une simplicité et d'une accessibilité unique. Des gens brillants, passionnés par leur travail, qui partagèrent leur savoir sans concession...

Paysage près des gorges du Tarn où nous allions capturer les lézards

Étudiants, sachez qu'il n'y a rien de plus formateur autant personnellement que professionnellement qu'un vrai stage de terrain. Même si ça semble difficile, fatiguant, et rude, le retour qui vous est offert vaut bien ces efforts.
Jamais je n'oublierai cette expérience, les gens, les paysages, c'est pourquoi je dis à Villefort : rendez vous l'an prochain pour de nouvelles aventures ... !


lundi 15 juin 2009

Blog en pause

Bijour les amis,

Je vous écris un petit mot pour vous prévenir que ce blog sera en pause pendant un mois et demi à compter d'aujourd'hui pour cause de stage terrain !

A très bientot et bonnes vacances à tous !

mercredi 10 juin 2009

Fais comme l'oiseau

Quand on me demande ce que j'aimerais être si j'étais un animal je réponds toujours "un oiseau". Car c'est quand même la classe internationale de voir le monde d'en haut et d'aller où bon nous semble grâce à nos petites ailes.
Mais voler, ce n'est pas évident, et ça coûte énormément d'énergie ! Alors pour permettre un tel prodige, mère nature a fait preuve d'une incroyable ingéniosité.

Superbe Harfang des neiges

Par exemple, le squelette des oiseaux est fait pour résister aux contraintes du vol. Comme pour un avion : solidité et légèreté sont les deux caractéristiques requises. Ainsi, lorsqu'on regarde le squelette d'un oiseau, on peut voir que nombreux sont les os soudés entre eux pour résister aux pressions du vol. En contrepartie, ces os sont en très grande majorité creux, les rendant légers comme une plume.


De même, battre des ailes, s'envoler, rester en tension constante pour ne pas se casser la figure par terre, ça nécessite une sacrée musculature alaire. Le bréchet que vous pouvez voir sur le squelette, os très imposant placé sur le sternum, est entièrement dédié à l'ancrage des muscles alaires et évite l'écrasement de la cage thoracique par ces muscles ultra-puissants.

En bref, une ossature parfaitement adaptée au vol. Mais ce n'est pas la seule adaptation notable. La respiration des oiseaux est elle-même intéressante. Elle est considérée comme la plus efficace du monde animal. Les oiseaux n'ont pas des poumons comme les nôtres, ils ont des poumons que l'on appelle "tubulaires".

Schéma du système respiratoire des oiseaux : à noter, ce système est fixe, contrairement au nôtre qui nécessite les mouvements du diaphragme pour faire pénétrer l'air dans les poumons !

Comme vous pouvez le constater, il existe différents sacs aériens dans lesquels circule l'air en sens unique. On peut simplifier en disant qu'il y a un sac aérien postérieur, les poumons et le sac aérien antérieur.Tout d'abord, l'air passe par ses petites narines, passe dans la trachée et gonfle le sac aérien postérieur. Ce dernier renvoie l'air vers les poumons où le sang récupère l'oxygène et rejette le CO2. Puis cet air est expulsé vers le sac aérien antérieur et expiré. Mais pendant ce temps le sac postérieur n'était pas totalement vidé et continuait à envoyer son air vers les poumons en attendant la prochaine inspiration. En bref : le flux d'air est continu dans les poumons. Les deux sacs jouant le rôle de soufflets pour alimenter en permanence l'organe respiratoire principal, gourmand en oxygène.Cette architecture respiratoire permet de répondre à une demande en oxygène très importante en vol.

Certaines espèces de colibri peuvent atteindre 80 à 200 battements par SECONDE, ce qui en fait des recordmans du monde déjà, mais aussi des grands consommateurs d'oxygène.

Et il existe encore bien d'autres adaptations aux niveaux métaboliques, mais je vous en ferai grâce! En tout cas, les oiseaux sont de magnifiques animaux, et il ne faut pas oublier de les préserver eux aussi ! (roh la rabat-joie! )

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Sources : mes cours, et ce site et celui

vendredi 5 juin 2009

Home


Un film à voir absolument. Il est juste sublime, éblouissant, et émouvant. Notre planète, c'est notre mère à tous, c'est notre source de vie. Agissons pour la préserver et la respecter. Demandons des changements à nos gouvernements, accélérons les changements de mentalité. Battons nous pour pouvoir donner à nos enfants, une vie aussi belle que celle que nous avons.

Aujourd'hui, les propos des septiques ne sont plus acceptables, les détracteurs visant la polémique et l'argent, surfant sur la vague de l'incrédulité de certains, doivent faire face à la réalité. Il faut que nous, les citoyens, prenions nos responsabilités et forcions nos dirigeants à en faire de même.

Que faire? C'est simple, commençons par trier systématiquement nos déchets, ne prenons pas les rues, parcs, forêts pour des poubelles, respectons la nature et les animaux, et vivons de façon plus responsable. C'est simple à faire, et bénéfique pour l'individu et la globalité ! C'est à notre portée, nous avons 10 ans avant que la machine s'emballe et que nous entrions dans un monde inconnu, agissons!

jeudi 4 juin 2009

Les z'amours !

Trouver un partenaire, c'est pas la chose la plus simple du monde. Il faut qu'il/elle soit comme ci ou comme ça, pas trop de ci ou de ça. Un calvaire. Souvent, on dit que les jeunes filles choisissent des mâles ressemblant à leurs pères...Rumeur? Pas si sur ;)


Dans la nature, on a deux contraintes principales dans le choix du partenaire basées sur la génétique. L'être choisi ne doit être ni trop proche ni trop éloigné, pourquoi? Je m'explique. Chez la plupart des animaux, on a une paire de chaque chromosome (par exemple, 2 chromosomes 11 , voir figure 2) l'un venant de la mère et l'autre du père. Chacun de ces deux chromosomes porte les mêmes gènes, mais pas forcément la même version de ce gène! C'est ce qu'on appelle des allèles (un gène peut avoir différentes formes alléliques). Avoir deux copies différentes d'un même gène permet de limiter les effets d'un gène muté pouvant conférer des maladies, on dit que la personne est hétérozygote pour ce gène (possède deux copies différentes). Mais si des gens proches génétiquement (frère sœur, etc) s'accouplent, et que chacun était porteur d'un allèle muté, on a alors plus de risque que la descendance hérite des deux mêmes gènes mutés et donc de tomber malade. On dira alors que la personne est homozygote pour ce gène (porte deux mêmes copies d'un même gène). C'est la consanguinité.

Figure 2 - Caryotype humain masculin. Voyez, deux chromosomes à chaque fois !

Ce n'est pas pour rien que dans la très grande majorité des sociétés humaines, même sans en connaître la raison génétique, les unions consanguines sont illégales et fortement déconseillées. Trop de consanguinité révèle les allèles délétères et provoque des maladies plutôt graves comme des trisomies, des retards mentaux et toutes autres formes de maladies d'homozygotie.

On comprend donc que dans la nature, il est plutôt mal venu de se reproduire avec des individus trop proches ! Mais comment les animaux savent-ils que un tel ou une telle sont de la famille? Eh bien il semblerait, d'après des études menées chez le rat, que les individus savent repérer les individus proches par olfaction, reconnaissance par familiarité etc. Chez les mésanges, les individus se reconnaissent principalement par le chant. En effet, chez ces oiseaux, le chant possède une base génétique et culturelle que transmet le père à ses fils.


Donc vu les dégâts, il semblerait plus profitable de prendre quelqu'un de très éloigné génétiquement ! Eh ben non ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Prendre un partenaire trop éloigné provoque également des dégâts. En effet, les parents sont en général des êtres bien adaptés, donc les associations de gènes semblent tenir la route. Il est par conséquent important de maintenir ces associations et pour ça, il faut s'apparier avec quelqu'un qui n'est pas trop éloigné non plus ! Un peu de métissage est toujours profitable, mais pas d'excès ! C'est ainsi que chez les mésanges, les femelles choisissent des mâles dont le chant ressemble à celui de leur père et de leur frère, mais écarte ces derniers de la liste des prétendants potentiels. On remarque alors que ce sont les cousins cousines plus ou moins éloignés qui remportent le plus grand succès. Pas trop proches pour éviter la consanguinité, mais pas trop éloignés non plus pour ne pas briser les associations génétiques favorables. Bango, les couples font plus de petits et en meilleure santé !


Cela se vérifie chez pas mal d'espèces animales, mésanges, rats, cailles du japon etc etc, mais aussi chez l'humain. Même si là il faut prendre des pincettes géantes, une étude faite en Islande (pays relativement homogène socialement), aurait montré une tendance selon laquelle les couples de cousins de 3ème et 4ème génération auraient eu plus d'enfants et de petits enfants que les autres couples !

mardi 26 mai 2009

:)

Salut la compagnie,

ces derniers temps je suis en partiels (fin de licence, ça ne rigole plus les gars) ! Donc comme chaque année, pas d'article à cette période. Cependant, je voulais juste passer un petit message collectif pour dire un grand merci à tous ceux qui m'envoient des mails. Ca me fait très plaisir et ça m'encourage pour continuer :)

Merci encore, et n'ayez crainte, la flamme de la biologie brûlera en moi encore pour des myriades d'années !!!!! (c'est beau).

mercredi 6 mai 2009

Cacatoes, le retour

Vous vous souvenez de Snowball? Le perroquet qui danse? Je vous en avais touché un mot il y a de ça quelques mois dans cet article. Eh bien Futura Science en parle aussi ! Comme prévu, l'oiseau a intrigué des neurobiologistes qui se posaient la même question que moi "danser est-il le propre de l'Homme?".
C'est le neurobiologiste au Neurosciences Institute de San Diego (Californie), Aniruddh Patel qui a voulu en savoir plus, en testant d'abord si Snowball dansait vraiment, ou s'il s'agitait simplement dès qu'une musique tournait. Le but : savoir si vraiment il s'adapte au rythme. Pour le savoir rien de plus facile, la musique des backstreet boys que le perroquet aime tant lui a été jouée à différents tempos, et comme tout le monde le savait déjà, il s'est adapté au rythme !
Voyez plutôt :


© Aniruddh Patel et al.


Mais alors, d'où vient la capacité de danser? Il semblerait, d'après Adena Schachner, spécialiste du comportement à la Harvard University, et travaillant sur le perroquet Alex, que danser rime avec imiter. Les humains et les perroquets étant des spécialistes de l'imitation sonore, une base neurologique commune expliquerait un tel phénomène.
En attendant les futures études pour plus d'explication, je vous laisse avec une vidéo surprenante d'Alex le perroquet gris, pourvu d'une intelligence indéniable. Qui a dit que les perroquets ne faisaient qu'imiter?



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Sources : http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/zoologie/d/en-video-snowball-le-cacatoes-qui-danse-vraiment_19157/

lundi 27 avril 2009

La guerre des sexes

Dans le monde de la reproduction sexuée, on observe des comportements étonnants. Les mâles rivalisent d'ingéniosité pour avoir des femelles. Armes, territoires, ressources, ou apparence, tout est bon pour séduire madame.
Mais pourquoi en arrive-t-on là? Et pourquoi pas l'inverse?

Cas remarquable de la mouche à yeux pédonculés : le mâle a les yeux au bout de ces longs pédoncules et....se bat avec ses yeux façon massue contre les autres mâles pour gagner l'affection de la femelle. Une méthode de drague pour le moins tape à l'oeil. (applause).

La réponse réside dans les gamètes. Les quoi? Les gamètes, ce sont ces cellules sexuelles que vous connaissez bien : le spermatozoïde et l'ovocyte. Ces deux cellules sont à la fois très semblables mais aussi très différentes. Toutes les deux sont, certes et entre autres, haploïdes (portent que la moitié du génome de l'individu), et sont "faites" pour constituer un zygote (cellule œuf, pouvant éventuellement donner un nouvel organisme) lors de leurs rencontres, mais elles diffèrent par leur taille et leur quota de production. Je m'explique. Si l'on considère qu'une femme fait un ovocyte par mois, de 12 à 50 ans, elle produira 456 ovocytes fécondables dans sa vie. Chez l'homme, une seule éjaculation contient environ 200 millions de spermatozoïdes !!!
Vous constatez donc une différence certaine entre ces deux quotas de production. Mais ce n'est pas tout, l'ovocyte est une grosse cellule contenant beaucoup de réserves, alors que le spermatozoïde lui, est tout petit avec très peu de réserves.


Mais où veux-je en venir? Tout simplement, avec ces chiffres, on peut voir que l'ovocyte est une ressource rare, et que comme tout ce qui est rare, va susciter la convoitise. On comprend ainsi que les femelles méritent bien que les mâles se battent pour elle et que ce ne soit pas l'inverse. Le gamète mâle est abondant et facile à trouver contrairement au gamète femelle, à la fois rare et précieux. Ceci expliquant aussi le soin tout particulier que de nombreuses femelles portent au choix du partenaire : gâcher un ovocyte revient à perdre énormément d'énergie et de temps pour la femelle...

Ovocyte

Mais pourquoi une telle différence finalement? Pourquoi chacun n'a pas un gamète entre les deux...Pas en faire trop, et pas trop riche ni trop pauvre en réserve? Et bien cela s'explique par des simulations. Il s'avère que les deux stratégies les plus efficaces sont :

-produire beaucoup mais de faible qualité (spermatozoïde)
-produire peu mais de forte qualité (ovocyte)
Un mélange des deux étant visiblement contre-sélectionné par les modèles. Il s'agit en fait tout simplement d'un trade-off (compromis) entre la qualité et la quantité!

Et voilà un mystère de la vie expliqué. Mais attention, dame Nature nous réserve bien des surprises et rien n'est jamais simple. Les contre-exemples se ramassent à la pelle bien évidemment (sinon ça serait pas marrant) ! Par exemple, chez certaines espèces d'oiseaux (le phalarope à bec étroit par exemple), ceux sont les femelles qui sont toutes colorées, font la cour aux mâles et se battent, pendant que le mâle choisit sa partenaire, et couve les œufs. Belle inversion des rôles qui s'explique par le fait que le soin aux jeunes est également un important critère de sélection et qu'un mâle qui s'occupe bien de ses petits, ben ça court pas forcément la calotte polaire, et que ça peut donc à son tour, devenir la ressource rare (n'est ce pas mesdames!!!)! Bon et puis en plus, on pourra noter qu'après la ponte, les rôles sont inversables alors que chez les mammifères, il y a allaitement etc, mais ça ne dédouane pas ces messieurs de filer un coup de main !

Martine dans les arènes

Je viens de lire cet article sur Rue89, et je vous le copie car vraiment, c'est un excellent article, très intéressant sur le fond, et très bien rédigé (et drôle!) dans la forme, bonne lecture :)

"Nîmes : un escargot prisonner des arènes depuis 2000 ans

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Regardez ce sympathique petit mollusque gastropode à enroulement sénestre. Son nom est Clausilie romaine Leucostigma candidescens, mais comme c'est un peu long, on l'appellera dans cet article Martine.

Martine vit dans deux endroits précis : dans les Apennins près de Rome et dans les arènes de Nîmes. Ceux qui l'ont découverte (Georges Coutagne en 1903) et ceux qui l'étudient pensent que l'animal est arrivé à Nîmes il y a 2000 ans, par exemple à dos d'amphore, pendant la construction des arènes, et qu'il y vit toujours.

A la différence d'autres espèces introduites, Martine ne fait de mal à personne : contrairement aux écrevisses américaines, qui envahissent les fleuves et rivières de France, elle ne quitte pas un coin précis des arênes.

Olivier Gargominy, du Muséum national d'histoire naturelle, et Vincent Prié, de l'agence Biotope, sont allés vérifier que Martine était toujours là. Ils ont également constaté qu'elle était en danger. Aujourd'hui, l'entretien des arènes s'effectue en effet à l'aide de désherbants chimiques, des produits qui « pourraient bien venir à bout de 2000 ans d'histoire pour la Clausilie romaine », constate le muséum.

Heureusement, la direction des arènes a agi, explique le communiqué du Muséum d'histoire naturelle :

« Conscients de l'intérêt patrimonial de cet escargot témoin de la construction des arènes, la direction technique des arènes a fait le choix de préserver les zones où vit la Clausilie romaine en réalisant localement un désherbage manuel et préservant quelques plantes des vieux murs pour maintenir cette population historique. »

Photo : un spécimen de clausilie romaine Leucostigma candidescens, Muséum d'histoire naturelle."


Voilà, pas mal non? J'ai beaucoup aimé le surnom de Martine. Pour avoir été aux arènes pour le concert de Bjork, je n'aurais jamais imaginé qu'un escargot y vivait de façon si spécifique !
En tout cas je salue la direction des arènes, pour cette décision, et de ne pas dire "façon on s'en fou c'est qu'un escargot!!" :).

mardi 14 avril 2009

L'étrange vie d'une Bonellie



Drôle d'animal n'est-ce pas? Je vous présente la Bonellie verte, qui fait partie des annélides (vers) et plus particulièrement des echiuriens, on peut la trouver en méditerranée, au nord est de l'océan atlantique, dans la mer rouge et dans l'océan indien.
Chez la Bonellie, l'étrangeté ne s'arrête pas aux frontières de l'apparence. C'est en réalité toute sa vie, du stade larvaire jusqu'à la reproduction qui relève d'une véritable épopée marine.

Au commencement de son voyage, la Bonellie n'est qu'une minuscule larve sexuellement indéterminée*. Voguant au gré des courants marins, c'est l'endroit où elle se posera qui déterminera son sexe. Femelle ou mâle? Tout dépend donc de l'environnement et spécifiquement du substrat. Si la petite larve se pose sur un sol océanique dépourvu d'autres bonellies femelles, elle deviendra femelle. Elle passera, en 2 ans, de quelques millimètres à une femelle dont le corps fera environ 9 cm avec une trompe pouvant s'étendre jusqu'à 1,5 mètre!


Et les autres larves, que deviennent-elles? Et où sont les mâles (;)? Encore une fois, tout dépend de la piste d'atterrissage. Les larves trochophores se transforment en mâle lorsqu'ils atterrissent sur...une femelle, et plus particulièrement, sur la trompe. En effet, les femelles possèdent sur elles une substance masculinisante, transformant les petites larves asexuées en petits mâles (1-3 millimètres, la honte). C'est donc cette substance qui détermine le sexe, les bonellies devenant femelle par défaut. Mais ce n'est pas tout ! Le mâle sera ensuite aspiré dans la femelle par la trompe (qui lui sert habituellement à se nourrir), pour déboucher dans le sac génital de la femelle. Fini les escapades, ces mâles ne reverront plus jamais le monde extérieur et passeront donc leur vie dans le sac génital féminin. Ils se nourriront par l'intermédiaire de la femelle, et n'auront pour mission que de féconder les œufs, une fois par an. Logés, nourris, blanchis, et on ne leur demande qu'une chose : se reproduire. La belle vie en quelque sorte).

Dessin d'une bonellie femelle, et le petit bidule est le mâle à l'intérieur de la femelle

Une fois par an, c'est environ 1000 œufs fécondés qui seront produits par la femelle et le mâle. Écloront des petites larves, qui complèteront à leur tour le cycle de la vie.
La bonellie est un parfait, et extrême exemple de ce que l'on appelle Dimorphisme sexuel. Ce terme désignant la différence morphologique que l'on peut noter entre les mâles et les femelles d'une même espèce. A quoi est-ce du? Et bien dans la nature, il faut savoir que les mâles n'ont souvent d'autre but que la reproduction, et coutent cher en énergie. C'est pourquoi leur taille est particulièrement réduite! C'est une histoire d'économie d'énergie :) (je vous invite à lire les commentaires pour plus de précisions).
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*En réalité, certaine larves sont déterminées femelle ou mâle dès le départ, mais elles représentent une minorité des cas.

Sources : Ludek Berec, Patrick J. Schembri, David S. Boukal (2005). Sex determination in Bonellia viridis (Echiura: Bonelliidae): population dynamics and evolution. Oikos 108 (3) , 473–484 doi:10.1111/j.0030-1299.2005.13350.x

Ce site et celui

lundi 13 avril 2009

Je suis ton père, enfin...ta mère


Attention, éloignez les enfants de l'ordinateur. Ce qui va suivre risque de choquer les âmes sensibles : Le père de Némo est en fait sa mère.

En effet, chez les poissons clown (Amphiprion bicinctus), la sexualité s'offre quelques originalités et changements de cap. Ils font ainsi partie des (environ) 10% d'espèces de poissons transsexuels peuplant les eaux.

C'est ainsi que, chez ces poissons-anémone, on vit en couple monogame, une femelle et un mâle entourés de plus petits mâles (juvéniles, ou subadultes) sexuellement inactifs et chacun reste à sa place. Mais lorsque, par grand malheur, la femelle du couple meurt, alors tout change dans cette petite population.


Le mâle du couple, fait son deuil d'une façon plutôt originale : son corps se transforme, il grossit, ses caractères changent...Au bout de 4 semaines, il devient femelle, prête à se reproduire et à succéder à sa défunte compagne. Les plus petits mâles qui restaient depuis lors dans l'ombre du mâle dominant entrent en conflit pour prendre cette place si convoitée. Ce sera le plus combatif d'entre eux qui accédera à cette position, ses organes sexuels vont devenir productifs et il pourra se reproduire. Un nouveau couple est formé.

Donc si vous me suivez, la maman de Némo étant morte mangée par un méchant poisson, le père de némo aurait dû passer par la transition et devenir femelle le temps de retrouver son fils ! (Oui, je pense à des choses très utiles en cours).



Sources : La recherche

jeudi 2 avril 2009

Caliente

[Warning : ce billet nécessite des connaissances en biologie moléculaire]

Un petit coup de chaud et rien ne va plus. Agitation atomique, déconformation de protéines, déstabilisation des liaisons hydrogènes. Bref, le branle-bas de combat est sonné. Dans nos cellules, une chaleur trop élevée fragilise la structure de nos protéines et notamment de nos enzymes, ce qui met en péril le bon fonctionnement cellulaire. Mais la nature étant définitivement bien faite, les organismes ont développé des parades plus que géniales pour lutter contre ce phénomène.

Image 3D d'une protéine (sauras-tu la reconnaitre?)

Prenons le cas d'E.coli (bactérie très célèbre, qui occupe notamment notre intestin).Lorsqu'on la place à la température excessive de 42°C, on remarque qu'elle synthétise de nouvelles molécules qu'elle ne synthétisait pas à 37°C. Ces nouvelles molécules sont toutes les Heat Shock Proteins (HSP), ou protéines de choc thermique. C'est une armada de protéines dont la mission est d'aller sauver les protéines qui se dénaturent à cause de la chaleur. Elles vont se fixer sur elles, et les aident à retrouver leur forme originelle et fonctionnelle. Quand il n'y a plus rien à faire, d'autres protéines se chargent de les dégrader définitivement. Génial non? Mais comment ce système se met-il en place chez cette petite bactérie?

Quand on regarde de plus près les gènes codants pour ces HSP, on remarque que la zone consensus est différente des autres gènes "classiques". La zone de ces gènes HSP n'est en effet pas reconnue par le facteur sigma70 classique de la RNA polymérase. Aurions-nous alors affaire à une nouvelle RNA polymérase?
Des études menées sur des mutants déficients lors de la réponse à un choc thermique à 42°C a permis de découvrir un nouveaux gène : rpoH. Il s'avère que ce gène code constitutivement pour un nouveau facteur sigma (sigma32) qui ne reconnait que le consensus des HSP !!

Mais alors, pourquoi n'a t-on pas de HSP à 37°C aussi?

Simplement, l'ARN produit à partir du rpoH arbore une forme bien typique en épingle, maintenue par une protéine thermosensible. Dans ces conditions, même si l'ARN est transcrit, il est intraduisible (ou très faiblement) par les ribosomes.
Par contre, quand on se place à 42°C, la protéine thermosensible qui maintenait la boucle en épingle d'ARN de rpoH se désorganise et laisse libre court à la traduction de l'ARN. On obtient ainsi les facteurs sigma32 qui s'allient avec des ARN polymérase et pourront enfin lier les zones consensus des gènes HSP !!
Par ce tour de passe passe, la nature garantit une réponse rapide et efficace, seulement quand besoin est.

N'est-ce pas fantastique?

mercredi 1 avril 2009

Touche pas à mes feuilles !

La plante, force tranquille, feuilles au vent, tout un monde de calme et de silence, qui se laisse nonchalamment grignoter par tous les animaux passant par là...Une attitude végétative que tout un chacun aimerait adopter... Eh bien, c'est pas demain la veille. Le monde végétal, malgré ses apparences, est un monde de concurrence, de bataille, et de stratégie. A nos yeux, rien de visible, mais il suffit de passer en accéléré une vidéo de portion de forêt, chacun se bat pour un photon de lumière en plus, au détriment du voisin du dessous. Et pensez bien que pour arriver à leurs fins, les plantes ne sont pas prêtes à se faire arrêter par le premier herbivore qui passe. Elles sont certes statiques, mais certainement pas inertes face à ce problème majeur.


C'est ainsi que nombre de plantes ont investi de l'énergie dans la production de défenses toutes aussi ingénieuses les unes que les autres. Des défenses physiques comme les épines, trichomes (sur les orties), coques, aux défenses chimiques comme des terpènes, composés phénoliques et autres composés azotés.


Certaines stratégies sont particulièrement intéressantes. Par exemple, certaines plantes produisent des acides aminés non protéiques. En gros, des faux acides aminés. Or les acides aminés (aa) sont naturellement digérés et réutilisés pour faire de nouvelles protéines chez l'herbivore. Or si les aa ne sont pas fonctionnels, les protéines produites seront non viables et pourront conduire à des maladies graves voire à la mort.

Mais les cas les plus intéressants, sont ceux des collaborations des plantes avec d'autres espèces pour se défendre. Par exemple, les Cecropias ont fait appel aux puissantes fourmis pour se protéger. Ils ont aménagé des zones totalement creuses dans leurs troncs avec ouverture sur l'extérieur, rapidement colonisées par des fourmis en quête d'un terrier, et attirées par les substances sucrées émises par le Cecropia. Les fourmis, très territoriales, défendront la plante dans sa totalité contre tout élément menaçant son intégrité.

A la base des branches, les petits bidules sont des zones de sécrétions de molécules sucrées attirant les fourmis.

Les chercheurs se sont par ailleurs amusés à faire des trous dans les feuilles, et remarquèrent que la plante émet d'autant plus de messagers chimiques pour appeler les fourmis à la rescousse.

Cecropia avec ses fourmis

Un autre cas remarquable est celui de la plante Phaseolus lunatus, naturellement prédatée par l'acarien Tetranychus urticae. En vengeance, la plante synthétise une molécule attirant le prédateur naturel de T. urticae. Mais en plus, la molécule produite est volatile et perçue par les plantes de la même espèce environnantes, qui à leur tour sécréteront cette molécule. L'acarien n'a qu'à bien se tenir !

Dans la même lignée mais à plus grande échelle, on trouve l'exemple bien connu de l'acacia dans la savane. Ces plantes, lorsqu'elles sont attaquées émettent de l'éthylène : une phytohormone très volatile. La réception de celle ci provoque la synthèse de Tanin, molécule très toxique qui va empoisonner les braves antilopes qui les grignotaient.
D'habitude, les antilopes, malines, mangent deux ou trois feuilles et s'en vont. Elles n'attendent pas de se faire empoisonner. Cependant, on a pu voir de véritables hécatombes d'antilopes en Tanzanie dues à la sécheresse qui ne laissa rien d'autre à ces pauvres quadrupèdes que de manger les acacias empoisonnés...

En conclusion, les plantes sont loin de se laisser faire, et énormément d'autres exemples de stratégies végétales existent sur terre. Comme pour le champignon, il faut se méfier de tout ce qui semble inoffensif. C'est vicieux ces trucs là.